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qu’un ange me conduise par la main près de vous !

Pierre s’élança dehors, saisit sa maîtresse entre ses bras et l’emporta à la maison, pendant que Jeanne y ramenait la fillette épouvantée ; et quelques minutes après, sans qu’une crise, qui était à redouter, eut suivi cette scène dramatique, la malade, revenue à elle, disait à sa tante, avec ce sourire navrant qui semblait se stéréotyper sur ses lèvres, dès qu’elle faisait allusion à ses douleurs morales :

— Je le vois bien, là-haut on ne veut pas encore de moi. Je n’ai pas encore assez souffert sans doute !

Et elle se laissa mettre au lit, où, brisée de fatigue, elle finit par s’endormir.

Le soir, en revenant à la villa, Ronçay apprit ce qui s’était passé et il en fut profondément affecté, car cet acte d’exaltation de la pauvre enfant était une nouvelle preuve que, chez elle, l’esprit n’était pas moins atteint que le corps. Cependant, comme il était convaincu qu’elle regrettait de ne pas être restée plus maîtresse d’elle-même, il avait l’intention de ne pas lui parler de ce triste épisode ; mais lorsqu’il entra dans sa chambre, l’impression douloureuse qu’il avait ressentie était demeurée si complètement peinte sur son visage, que sa malheureuse amie, devinant qu’il savait tout, lui dit bien vite, en lui tendant les deux mains :

— Je t’en prie, ne me gronde pas ! Que veux-tu ? quand tu n’es plus ici, près de moi, je perds la raison ! Je m’inquiète de ce que tu fais à Paris… Je suis jalouse ! Il me semble que je ne te verrai plus ! Et