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des choses humaines ! Oh ! non, tu ne peux savoir, Blanche, quel est mon supplice de toutes les heures, de tous les instants, lorsque la maladie qui me pousse au tombeau me laisse quelques secondes de trêve ! Je l’aime, tu m’entends, je l’adore, lui, et je ne puis plus lui appartenir. Je l’ai juré, j’en ai fait le serment ! Et je suis jalouse ! Tu ne sais pas ce que c’est que la jalousie, toi qui n’as jamais aimé que Dieu ! La jalousie, ce cancer qui vous ronge les entrailles et le cerveau, le corps et l’âme ! Eh bien ! je suis jalouse ! Et tu veux que je le quitte, que je m’en aille bien loin ! Mais c’est sa présence seule qui entretient ma foi, car, près de lui, je remercie Dieu de sa bonté ! Si je ne le voyais plus, si je ne souffrais pas à cause de lui et s’il ne souffrait pas à cause de moi, mais ce serait fini, je ne croirais plus à rien ! Me séparer de lui avant que la mort me frappe, ne plus savoir ce qu’il fait, ce qu’il devient ! Ah ! ma pauvre sœur, tu es folle ! j’aimerais mieux, oui, j’aimerais mieux mourir damnée ! Gilbert, mon Gilbert, ne me laisse pas partir, même si je te le demandais à genoux !

Et, folle de passion autant que d’épouvante, Éva jeta ses bras au cou de Ronçay, qui, aussitôt, étouffa un cri d’angoisse.

L’étreinte de la pauvre enfant n’avait duré qu’une seconde ; elle se renversait en arrière, les mains crispées contre sa poitrine qui râlait, le visage d’une pâleur mortelle, l’anxiété peinte dans les yeux, et sa gorge, serrée par une horrible contraction, ne laissait échapper que des plaintes inarticulées.