Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

finirai par avoir raison de sa folle du logis ! Ah ! par exemple, je t’avoue que je suis impitoyable ; je crois bien même que je la scandalise tant soit peu ; mais ma foi ! tant pis ! Qu’elle me prenne pour un mécréant et guérisse !

— Tu ne changeras rien aux croyances d’Éva, mon cher, répondit Gilbert, avec une conviction douloureuse. Je préférerais pour son repos et pour le mien qu’elle eût cessé de m’aimer, plutôt que de s’être jetée dans la religion étroite qui la livre aux remords et la tuera plus sûrement que toutes les souffrances physiques.

— Allons ! voilà que, toi aussi, tu exagères ! Où diable as-tu vu qu’elle a des remords ? On a les remords d’un crime ; or, de quel crime s’est-elle rendue coupable, la chère enfant ? Elle en est tout simplement au repentir d’avoir commis une faute, d’avoir aimé, et ce repentir-là, vois-tu, ce n’est, le plus souvent, chez la femme, qu’une forme particulière du regret de ne pouvoir plus aimer ; en sorte que quand la possibilité de recommencer leur est donnée, le repentir disparaît ! Laisse Éva revenir à la santé et tu verras comme, peu à peu, elle permettra à tes lèvres de descendre de son front à ses lèvres. Mais la vie des femmes, mon pauvre rêveur, n’est qu’un long repentir, heureusement pour les hommes !

Tout en causant ainsi, les deux amis s’étaient rapprochés de la maison, et Ronçay pensait que le docteur était peut-être dans le vrai, quand il aperçut Blanche qui se roulait sur le gazon.