Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

minutes, mais ne lui causaient pas moins d’atroces souffrances.

Jeanne elle-même s’était tue ; sa maîtresse le lui avait ordonné. La brave fille croyait du reste, à force de l’entendre dire, qu’il n’y avait dans ces malaises rien de grave. Cependant, un matin, elle dut changer d’opinion.

La nièce de Mme Bertin venait de recevoir plusieurs lettres de France, et, après avoir dévoré celle de Ronçay, qui lui envoyait des nouvelles de leur fille tous les jours, elle en avait ouvert une autre dont la suscription ne l’avait pas particulièrement frappée, quand, soudain, elle devint d’une pâleur livide.

Les lignes que la pauvre enfant avait sous les yeux étaient bien de nature, il est vrai, non seulement à la surprendre, mais encore à lui causer une impression terrible, car elles réveillaient cruellement des souvenirs que le bonheur effaçait chaque jour davantage de son esprit.

Cette lettre était de M. de Tiessant, qui s’exprimait en ces termes :

« Ma fille, c’est probablement la dernière fois que je t’écris. Fatigué de la lutte, touché par la grâce, je renonce au monde, pour retourner tout à fait à Dieu. Lorsque tu liras ces mots, j’aurai déjà commencé mon noviciat chez les Pères Dominicains.

« Dans le recueillement et la solitude du cloître, je ne songerai pas qu’à mon salut, je penserai également au tien, et peut-être qu’un jour, le ciel ayant exaucé mes prières de pécheur repentant, j’aurai la