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Les deux amants vivaient donc là plus calmes qu’à Plouenec, mais non moins heureux. Le sculpteur s’était fait un petit atelier de l’une des pièces du rez-de-chaussée de la villa ; Mme Daltès était, comme comédienne, l’idole du public et, comme nageuse, celle de la plage, car elle renouvelait à Dieppe, quelque temps qu’il fît, ses prouesses nautiques de Bretagne.

Elle avait toujours pour la mer une véritable passion de sirène et ne résistait pas au désir de la satisfaire, malgré les conseils réitérés de Bernel.

Plusieurs fois le docteur s’était trouvé là à la sortie de l’eau, et il avait constaté, quelque amour-propre que l’intrépide baigneuse apportât à dissimuler, qu’elle avait des oppressions subites et devenait tout à coup presque aphone pendant plusieurs minutes ; mais il avait beau la prier de se modérer, elle n’en tenait aucun compte. Alors un jour, pensant que c’était tout à la fois son devoir d’ami et de médecin, il se décida à faire part à Ronçay de ce qu’il avait observé, et c’est ainsi qu’il apprit de Gilbert lui-même la crise dont la jeune femme avait souffert à Bordeaux.

— Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé ? lui demanda-t-il.

— Parce que tu n’étais pas à Paris au moment de mon retour, répondit le créole ! De plus j’avais laissé Éva tout à fait remise de cet accident que son médecin de là-bas jugeait insignifiant, je recevais tous les jours d’excellentes nouvelles et je l’avais moi-même oublié. Crains-tu donc…