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dignité, à mon respect même pour mon amour de le mettre à l’abri de toute suspicion honteuse ? Ne dois-je pas tenter de m’élever, pour être tout à fait digne du grand artiste de qui je veux toujours pouvoir partager la vie ?

— Peut-être avez-vous raison, répondit Bernel, qui n’était que médiocrement surpris des confidences de la jeune femme, car il pressentait depuis longtemps ce qu’on pouvait attendre de son imagination et quel feu secret couvait en elle ; oui, je comprends vos désirs, mais comme vous êtes, vous et Gilbert, mes deux grandes amitiés, permettez-moi de vous parler franchement.

— Oh ! je vous en prie !

— Eh bien ! d’abord êtes-vous absolument certaine, ma chère enfant, qu’il n’y a pas au fond de votre résolution un peu d’orgueil ?

— Soit ! mais dans la bonne acception du mot.

— Nous donnons toujours aux mots l’acception qui flatte le mieux nos idées. Enfin, je l’admets ; vous voulez être indépendante pour que Ronçay soit fier de vous et pour avoir le droit, vous, de l’aimer tête haute. Ce sont là de nobles sentiments, je le veux bien ; je doute cependant que notre ami en conclue que, pour en faire la preuve, vous devez embrasser la carrière du théâtre, c’est-à-dire un des métiers les plus atroces que puisse faire, mâle ou femelle, créature déshéritée.

— Comment l’entendez-vous ?

— Pas autrement que l’expérience ne me l’a dé-