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serait fier d’elle, comme elle était, elle, fière de lui.

Il n’y avait qu’une difficulté à l’exécution de ce projet, c’était d’y faire consentir son ami. Aussi préférait-elle ne pas lui en parler, momentanément. Plus tard, elle verrait comment s’y prendre. En attendant, elle allait se mettre au travail sans perdre un seul jour.

Ce parti bien arrêté, Mlle  de Tiessant se sentit contente d’elle-même ; elle remit à un autre moment pour dresser son plan de campagne et descendit à l’atelier, où elle entra le visage si calme et un si joli sourire aux lèvres que le sculpteur, en baisant longuement ses beaux yeux, ne se douta pas un instant qu’ils venaient de verser des larmes.

Le lendemain dans la matinée, Éva courut communiquer à sa tante la lettre de son père, et comme l’excellente femme, indignée, traitait son beau-frère de misérable, de bourreau, d’hypocrite, sa nièce l’interrompit pour lui dire :

— Personne ne connaît M. de Tiessant mieux que moi, mais je ne m’imaginais pas qu’il irait jusqu’à m’écrire de telles choses. Cependant je ne lui répondrai pas ; car, sur certains points, il n’a tort que dans la forme, je dois le reconnaître.

— Tu es folle !

— Non ; au contraire, toute la raison m’est revenue. Je ne suis pas la femme légitime de M. Ronçay, je ne dois donc pas être à sa charge. J’ai le devoir impérieux de me créer une position qui me permettra de ne pas rougir plus tard devant mes enfants.