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Sainte-Geneviève les avertit que le moment du départ des visiteurs était venu depuis longtemps, et la veuve se reprit à trembler. Une fois seule, Éva n’allait-elle pas de nouveau se livrer au désespoir ?

Aux regards inquiets que sa tante arrêtait sur elle, la prisonnière comprit quelles étaient ses craintes, et lui dit aussitôt :

— Non, n’aie pas peur, laisse-moi ! Ce dernier malheur était écrit là-haut comme tous ceux qui m’ont déjà atteinte. J’aurais dû m’y attendre, pour n’en être pas surprise ; je souffrirais moins ! Va-t-en ! À après-demain !

Un peu rassurée, Mme Bertin l’embrassa encore une fois et sortit lentement de la cellule.

Cette nuit-là, Mme Noblet ne put trouver un instant de repos. La pensée qu’on allait élever son fils dans l’oubli, peut-être même dans le mépris de sa mémoire, ne cessa de la hanter, et parfois, en se rappelant toutes les douleurs qui l’avaient assaillie depuis sa quinzième année jusqu’à sa condamnation pour adultère, elle en arrivait, elle si pieuse et si croyante, à douter de la justice de Dieu.

Qu’avait-elle fait pour être ainsi frappée ? Quelle faute avait-elle commise ? Son examen de conscience ne lui reprochait rien. Son enfance avait été celle d’une vierge ; jeune fille, elle avait été sacrifiée par un père impitoyable ; épouse, elle avait été fidèle ; mère, elle l’était dans la plus complète acception du mot ! Si, un jour, elle s’était révoltée contre un joug qu’elle n’avait jamais accepté, mais seulement