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role d’adieu, car elle sentait que les sanglots l’étouffaient ; puis elle dit à sa tante : « Va-t’en, va-t’en, je t’en conjure ».

Et elle ferma les yeux pour ne pas voir partir le pauvre petit, chair de sa chair, dont une aveugle et impitoyable justice, œuvre des hommes et non des mères, la séparait pour toujours !

Le soir même, elle fit porter à la poste sa lettre au chef du parquet. Le surlendemain, dans l’après-midi, elle reçut signification du jugement qui la condamnait et copie de son ordre d’écrou.

Mme  Bertin se trouvait là, lui parlant de son fils, de son fils seulement, car, bien que Gilbert fût venu le matin même lui peindre de nouveau tout son désespoir, la digne femme comprenait que le cœur d’Éva n’était ouvert qu’à la douleur maternelle.

— Allons, dit-elle à sa vieille parente ; du courage, accompagne-moi, partons !

La valise qui contenait les objets les plus indispensables était prête depuis la veille ; elle la fit descendre, mit un chapeau, jeta un vêtement sur ses épaules, alla faire ses adieux à la supérieure, qui était au courant de tout et l’embrassa comme si elle eût été sa fille, s’agenouilla un instant dans la chapelle, et, suivie de la bonne veuve, qui se soutenait à peine, elle franchit la porte du couvent. La voiture qu’elle avait envoyé chercher était là.

Après avoir aidé Mme  Bertin à y monter, elle y prit place à son tour, en disant au cocher, d’une voix parfaitement calme :