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Elle avait lancé ces mots avec un tel accent de pudeur offensée et son regard demeurait si loyal que l’excellent homme lui saisit la main, s’excusa d’avoir aussi mal interprété ses paroles et reprit bien vite :

— Alors pourquoi voulez-vous laisser croire à votre culpabilité ?

— Parce que si ce grief, le seul sérieux que M. Noblet puisse articuler contre moi, n’était pas accepté par mes juges, ils ne lui accorderaient peut-être pas la séparation qu’il demande, et que, d’un autre côté, il se pourrait qu’elle me fût également refusée, à moi, pour les mêmes motifs qui ont fait repousser ma requête en nullité de mariage. Quelles seraient les conséquences d’un jugement qui ne nous donnerait gain de cause ni à l’un ni à l’autre ? Je serais sommée de nouveau de réintégrer le domicile conjugal. Or, je refuserais de nouveau de le faire. Je résisterais même à la violence ! N’est-il pas préférable d’en finir tout de suite ? Aucune puissance humaine ne pourra me faire reprendre un joug qui m’est devenu plus horrible que jamais !

Le savant jurisconsulte n’en revenait pas de la fermeté et de la logique de cette enfant à qui la douleur avait donné une expérience précoce.

Il ne savait que lui répondre, tant ce qu’elle pressentait était fatal. Il lui dit cependant :

— Mais vous ignorez où peut vous conduire la perte de votre procès. Tout simplement en prison.

— J’en ai déjà eu un avant-coureur, fit-elle avec un frisson. Si elle m’est infligée, je subirai coura-