Page:René de Pont-Jest - Le Serment d’Éva.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

malheureuse à s’asseoir, prit ses mains glacées entre les siennes et lui dit :

— Ne pleurez pas, mon enfant, calmez-vous ; la divine Providence ne vous abandonnera pas, quelque faute que vous ayez commise !

— Mais, ma mère, gémit Éva, en levant sur sa consolatrice ses beaux yeux aux regards si loyaux, je n’ai commis aucune faute, je vous le jure ! Qu’ils me croient coupable, eux, qu’importe ! Mais vous, vous !

Les religieuses la laissèrent pleurer, sachant, comme tous ceux qui ont beaucoup vu souffrir, que les larmes sont le meilleur des calmants.

En effet, quand elle eut bien soulagé son pauvre cœur gonflé par ces épreuves successives, la prisonnière redevint peu à peu maîtresse d’elle-même, et les moindres incidents de cette horrible matinée se représentèrent fidèlement à sa mémoire.

Elle se rappelait comment, en s’échappant de sa chambre, elle avait trouvé asile chez Gilbert, et comprenait, malgré toute sa chasteté, ce qu’avait pu supposer son mari, en la découvrant à demi nue sur le lit de l’homme entre les bras de qui il l’avait déjà surprise une fois.

Cependant ce souvenir, à son profond étonnement, n’éveillait en elle aucune honte pudique ; il lui faisait éprouver au contraire, et elle s’en effrayait, dans son ignorance des sensations de la chair, une sorte de vertige qui lui causait des frissons jusqu’alors ignorés.