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jeune femme avait été condamnée, aux épreuves de sa vie commune avec un homme du triple, de son âge et qui n’avait su se faire, sinon aimer, sinon supporter, du moins pardonner d’avoir acheté sa femme comme on achète au fond du golfe de Guinée une enfant à peine nubile pour la jeter dans son lit, sans souci de son ignorance, de sa pudeur et de ses larmes.

Cette plaidoirie serrée, claire, démonstrative, impitoyable pour MM. de Tiessant et Noblet, et au cours de laquelle Gilbert bondit souvent d’indignation, dura près de deux heures et fit un effet considérable sur le public et sur le tribunal. Me  Dutreil le sentit, et, afin de ne pas laisser les juges et l’auditoire sur cette impression dangereuse pour sa cause, il prit immédiatement la parole.

L’avocat de M. Noblet était un adversaire redoutable, et il le prouva immédiatement, en démontrant que pas un des articles cités par Me  Mansart n’était applicable dans l’espèce ; que, de plus, Mme  Noblet avait laissé passer les délais au delà desquels ni l’un ni l’autre des époux ne peut intenter une action en nullité de mariage, et il termina cette partie de sa discussion par cet axiome légal relativement à la contrainte que prétendait avoir subie Mlle  de Tiessant : « La crainte révérentielle ne peut jamais être invoquée comme fait de violence. »

Me  Dutreil aurait pu certainement en rester là, mais comme il avait l’ambition de gagner son procès aussi bien devant l’opinion publique que devant le tribu-