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déjà si douloureux. Je ne l’aime pas ! Oh ! non, je ne l’aime pas ; je ne le crois pas, du moins ; je ne le veux pas ! Seulement sa sympathie m’a touchée ; j’avais peur de la perdre ! Je te jure que je n’avais jamais pensé ainsi à lui une seule fois ! Mais tout à l’heure, quand je l’ai vu s’indigner à cause de cet homme qui m’espionnait, quand j’ai surpris dans ses regards que je n’avais qu’un mot à dire pour qu’il châtiât le misérable, je me suis souvenue du jour où je l’ai rencontré ici, où il m’a défendue contre mon père, et, tout à coup, il a pris place dans mon cœur entre mon fils et toi. Mais n’aie pas peur, il n’en saura jamais rien !

— Eh ! il m’en disait autant, il y a cinq minutes, riposta Mme Bertin, perdant tout à fait la tête.

— Il t’en disait autant ?

— Oui, tout autant… et plus encore ! Et voilà que grâce à ma faiblesse, à ma naïveté, à ma bêtise, vous savez à quoi vous en tenir tous les deux ! Ah ! j’ai fait là une jolie besogne ! Il ne nous manquait plus que ça ! Qu’allons-nous devenir ?

— Ce que nous allons devenir ? Nous allons lutter et vaincre, parce que je ne veux pas que M. Ronçay souffre de ma douleur, parce que je veux avoir le droit de le remercier de son dévouement, sans que personne y trouve à redire. Mais je ne l’aime pas, je ne l’aime pas ! Je n’ai pour lui que de la reconnaissance. Tiens, tu vois, je ne pleure plus, je n’ai plus peur, je suis forte ! Oh ! tu peux compter sur mon courage pour après-demain et les jours suivants,