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— La parole est au greffier, dit le président, pour donner lecture du rapport du colonel Sleeman, qui a dirigé avec un courage et une habileté dignes des plus grands éloges l’expédition contre les Thugs. La cour se plaît à rendre un hommage public à cet officier général.

« Nous recommandons à l’auditoire d’écouter son rapport dans le plus grand calme et de contenir son émotion, si horribles que soient les détails exposés dans ce document. »

Quelques secondes après le greffier commençait en ces termes :

RAPPORT DU COLONEL SLEEMAN.

« Le 2 de ce mois, je quittai Madras et j’arrivai le lendemain matin à Arcot avec mes hommes. La ville entière était encore épouvantée des derniers attentats des Thugs.

« Je restai là deux jours ; puis je pris la route de Vellore, en suivant les rives du Palaur.

« Il y avait vingt-quatre heures à peine que j’étais dans cette ville, lorsque j’appris qu’on soupçonnait les Thugs de s’être retirés à Chittore.

« Or, cette ville n’est qu’à une cinquantaine de milles de Vellore ; mais, pour y arriver directement, il faut franchir les jungles et les défilés des Gattes occidentales, et il ne me parut pas impossible que la bande d’Hyder-Aly eût cherché là un refuge.

« Pendant que 50 hommes, sous le commandement du lieutenant Marsy, se dirigeaient vers Chittore, en suivant la grande route de Madras à Bungalore, route qu’ils devaient quitter pour remonter droit au Nord, après avoir franchi les montagnes, je pris, moi, avec le reste de mon monde, le chemin à travers les Gattes.

« Notre rendez-vous général était à la pagode de Dourga, dans le petit village de Rasi.

« Le lieutenant Marsy devait se faire accompagner de Chittore à Rasi par deux guides sûrs ; j’emmenais avec moi, de Vellore, deux hommes dont les autorités anglaises et le vénérable radjah Maha-Saëb-Khan m’avaient répondu.

« Après six jours de marche dans un pays désert, nous atteignîmes les jungles qui nous séparaient seuls de notre but.

« Le jungle est, aux Indes, notre ennemi le plus implacable. Nous dûmes souvent nous y frayer un passage avec la hache, car s’il n’est pas forêt, le jungle n’est pas non plus la plaine : c’est une de ces monstrueuses créatures de la nature luxuriante de cette contrée.

« Les arbres, toujours éloignés les uns des autres, y atteignent des hauteurs incroyables, prodigieuses ; le long de leurs troncs gigantesques s’élèvent des lianes, des herbes parasites qui les relient entre eux.