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En voyant ouvrir la porte de leur appartement, lady Maury et ses filles se pressèrent l’une contre l’autre, car les bruits multiples qu’elles avaient entendus au-dessus de leur tête les avaient épouvantées.

Il n’avait fallu rien moins que la promesse qu’elles avaient faite pour les empêcher de monter sur le pont.

Quant à sir Arthur, ébloui par son passage subit de l’obscurité à la lumière, il ne se rendit pas compte tout d’abord de l’endroit où il se trouvait, mais à l’exclamation de miss Ada, il reconnut sa fille et tressaillit.

— Sir Arthur ! s’était écriée la jeune femme.

— Sir Arthur ! répéta lady Maury avec stupeur, sir Arthur Maury !

Saphir s’était brusquement avancée, et, les lèvres frémissantes, l’éclair dans les yeux, elle considérait cet homme à qui sa mère et elle devaient vingt années de misère et de honte.

— Oui, dit Villaréal, sir Arthur Maury, qui ne reconnaît pas l’épouse qu’il a flétrie et assassinée. Sir Arthur lui-même, lady Maury !

— Lady Maury ! murmura alors le gentilhomme épouvanté, en reconnaissant sa femme et en détournant les yeux du groupe accusateur qu’elle formait avec ses filles.

— Et voici ses fils, poursuivit l’Hindou en livrant passage à Gérard et à Charles Maury que Yago chassait devant lui.

Les deux jeunes hommes se tenaient à peine debout.

Comme cela leur arrivait chaque soir, la nuit les avait surpris à peu près ivres.

La terreur les avait achevés.

Harris les avait suivis, mais seulement jusqu’au seuil de la porte, où il attendait que le moment fût venu pour lui de prendre part à cette scène étrange.

À la vue de ses fils, sir Arthur reprit un peu d’énergie. Il releva la tête, croisa les bras et dit à Villaréal en le fixant avec orgueil :

— Eh bien, maintenant que je suis en votre pouvoir, que me voulez-vous ?

— Te juger, toi et les tiens, comme c’est mon droit et mon devoir, répondit le comte avec un calme terrible.

— Me juger ! vous !

— Oui, moi, que tu as emprisonné et dont tu as tué le père. Ah ! tu croyais, sir Arthur Maury, que tu m’avais enseveli à jamais dans un cachot de Golconde ! Je suis sorti vivant de mon tombeau pour te punir. Tu m’avoueras que ta vie m’appartient aujourd’hui.

— Soit ! fit le colonel en haussant les épaules avec mépris. Faites-moi assassiner. Ce sera pour ces femmes un spectacle digne d’elles.

— Ce n’est pas tout. Avant que de te rendre coupable envers moi, tu