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S’il avait pu, d’où il était, voir et entendre ce qui se passait chez la jeune femme, il aurait continué à marcher de surprise en surprise.

Saphir avait suivi en tous points les ordres de Villaréal, sans même se demander un instant dans quel but il les lui avait donnés.

Avec le sans-gêne dont elle avait pris l’habitude, elle avait renvoyé ses invités les uns après les autres, et, vers deux heures du matin, Edgar Berney et les deux Maury s’étaient trouvés seuls chez elle.

Bientôt elle fit comprendre à ces derniers qu’il était temps qu’ils se retirassent également, ce qu’ils se décidèrent à faire en titubant, car ils étaient à peu près ivres, et Saphir, peu d’instants après et sans se douter de ce qui arrivait à ce moment même aux amis d’Edgar, entama avec celui-ci le chapitre si délicat de ses amours avec Mary.

Aux premiers mots de la jeune femme, le fils de M. Berney voulut nier ; mais, aux détails qu’elle lui donna, il comprit qu’elle était parfaitement au courant de ce qui s’était passé, et il se décida à avouer, tout en riant aux éclats et en affirmant qu’il ne pouvait prendre au sérieux le sermon qu’elle lui faisait.

Cependant Saphir, elle, ne plaisantait pas.

Elle revint à la charge, usa de tous les arguments en son pouvoir pour décider Edgar à réparer sa faute ; puis elle pria et pleura ; mais inutilement.

— Eh bien, vrai, dit le jeune homme en répondant à une dernière supplication de la courtisane en faveur de Mary, j’aimerais mieux encore vous épouser, Saphir ; au moins, je vous aime, vous ! Ce serait une excuse et je ne serais pas ridicule.

— Alors, dit la jeune fille en colère, vous n’êtes vraiment qu’un misérable et un lâche, et, puisqu’il en est ainsi, je vous défends de remettre les pieds chez moi.

— Comment, comment ! vous me défendez de vous voir ? balbutia Edgar au comble de la stupeur.

— Oui, je vous le défends, et vous savez que ce que je veux, je le veux bien. Ainsi, n’en parlons plus, et faites-moi le plaisir d’aller rejoindre vos amis, qui ne valent pas mieux que vous.

— Dites-moi au moins pourquoi vous portez cet intérêt à Mary ?

— Ça ne vous regarde pas. Je n’ai rien de plus à vous dire. Bonsoir, et surtout, adieu.

— Saphir !

Mais la jeune femme ne lui répondit même pas. Elle rentra dans sa chambre à coucher, ferma la porte derrière elle et se jeta sur son lit en pleurant.

Elle était en même temps furieuse et peinée du refus d’Edgar.