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Quant à prendre le moindre souci de leurs affaires, ils s’en garderaient bien. Leurs émotions appartiennent tout entières aux combats des chiens, aux luttes des boxeurs et aux paris des courses.

Sir Arthur n’avait donc pas même la ressource de trouver chez lui un confident à qui il pût faire part de ses ennuis ; aussi, selon les habitudes britanniques, n’échangeait-il guère avec Jack que les quelques mots secs et brefs que nécessitaient leurs rapports.

Lorsque ce dernier reconnut les pas du baronnet sous le vestibule, il lui ouvrit la porte de son appartement, le débarrassa de son chapeau et de sa canne, et, les bras croisés, attendit ses ordres.

Sir Arthur s’était laissé tomber dans un fauteuil, où, plongé dans les plus amères réflexions, il songeait si peu à son valet de chambre que celui-ci, après quelques instants de silence, se décida à prendre la parole.

— Monsieur n’a pas d’ordres à me donner ? demanda-t-il.

Le baronnet releva brusquement la tête.

— Non, répondit-il, laissez-moi.

Jack, sans insister davantage, fit un mouvement pour sortir.

— Ah ! reprit sir Arthur, quoi de nouveau ce matin ? Personne n’est venu me demander ?

— Personne, monsieur, mais Samuel Davy et Gibson se sont présentés à l’hôtel. Je ne les ai renvoyés que difficilement.

— Que voulaient-ils encore ?

— Obtenir de Votre Honneur un engagement. Ils ont dit, en s’en allant, qu’ils se rendaient chez leur solicitor.

— Qu’ils aillent au diable ! Je n’ai pas d’argent !

Samuel Davy était un marchand de chevaux et Gibson un carrossier.

Sir Arthur leur devait à tous deux des sommes considérables, et depuis plus de six mois, il les remettait de jour en jour pour les payer.

— On est venu aussi de la part de Toby, le bijoutier ; puis il y a encore quelques factures que j’ai placées sur la table de M. le baronnet.

Le nom du bijoutier, parmi ceux de ses créanciers, parut produire sur le gentilhomme une impression particulièrement désagréable, car il n’ignorait pas tout ce qu’avait de grave sa situation par devers le négociant.

Six semaines auparavant, il lui avait acheté une parure de grande valeur, sous le prétexte d’en faire cadeau à une danseuse de Drury lane, dont il était le protecteur avoué, et il savait que le hasard, ou tout autre cause, avait fait connaître à Toby que cette parure avait été vendue et non pas donnée.

Il ne se dissimulait donc pas qu’il était à peu près à la disposition de ce fournisseur, qui pouvait, s’il le voulait, porter plainte contre lui.