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que j’avais enfin trouvé la trace de cet homme qui sait ce qu’est devenue votre mère.

— Pour la première fois, ami, je ne vous ai pas cru et j’ai compris qu’il y avait une partie de votre existence que, par affection peut-être, vous voulez me cacher. Mais, prenez garde, Londres n’est pas sûr le soir ; on ne parle que d’arrestations et de vols. Ne sortez au moins que bien armé, si vous ne voulez pas que je meure d’effroi.

Au moment où la comtesse disait ces mots pour terminer une conversation dont elle voyait que le cours déplaisait à son mari, quoiqu’il s’efforçât d’y répondre avec calme et douceur, on frappa à la porte.

C’était Yago.

Le comte alla au-devant de lui ; ils échangèrent rapidement quelques mots et Villaréal se rapprocha de sa femme.

— Vous n’allez pas m’en vouloir, mon amie ? lui dit-il. J’étais inquiet de votre santé qui m’est si chère, et, ma foi ! sans vous en demander la permission, j’ai fait appeler un médecin dont on dit le plus grand bien. C’est le docteur Harris, une célébrité américaine ; il est là. M’autorisez-vous à vous le présenter ?

— Qu’il entre ! répondit en souriant la comtesse, quoique j’aie bien peur que toute sa science ne soit impuissante pour me guérir ! C’est mon cœur seul qui souffre !

Elle se leva, car le docteur, que Yago avait introduit, s’avançait vers elle.

Le docteur Harris était un homme de quarante-cinq ans à peine, cependant presque complètement blanc déjà. Il était de haute stature et devait être d’une vigueur peu commune.

Son visage intelligent et sévère était sillonné de rides précoces ; son regard était ferme et interrogateur.

Après avoir salué la jeune femme, il leva les yeux vers le comte, et ces deux hommes, en se regardant, réprimèrent en même temps un mouvement de surprise.

Le hasard les réunissait, mais chacun d’eux se disait que ce n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient.

La comtesse ne s’était aperçue de rien ; elle s’était replacée sur sa chaise longue, après avoir répondu gracieusement au salut de son visiteur.

Le docteur la questionna alors sur son état de souffrance, et, à sa première réponse, il eut un nouveau geste d’étonnement.

Cette jeune femme, qu’il supposait étrangère, était Anglaise, même de Londres ou de ses environs.

Il le reconnaissait à son accent.

Il l’écouta encore plus attentivement, et lorsqu’elle lui eut donné sur sa