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Ils échangèrent encore tous les trois à la porte du salon un adieu affectueux, et Saphir revint toute pensive vers son boudoir.

En y entrant, elle fut frappée de la physionomie du comte, de qui elle s’approchait le cœur gonflé encore de ce qu’elle venait d’apprendre, mais fière du rôle qu’elle était destinée à jouer dans une bonne action.

Villaréal, debout, appuyé contre la cheminée, avait pour elle un regard doux et tendre qu’elle ne lui avait jamais vu.

La pauvre fille, se sentant trembler, n’osa plus faire un pas !

— J’ai tout entendu, Saphir, lui dit le comte en allant au-devant d’elle et en lui prenant les mains : vous êtes une bonne et belle enfant, et il faut tout faire pour que cet Edgar épouse Mary. Je vous y aiderai autant que possible. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Répondez-moi franchement : vous vous appelez Sarah Thompson ?

— Oui ; je le crois, du moins.

— Comment ! vous le croyez ?

— C’est le nom de l’homme qui m’a élevée ; seulement je pense que Thompson n’est que mon oncle ou un parent éloigné.

— Vous avez habité Dog’s lane, dans la Cité ?

— Pendant douze ans au moins. C’est là que j’ai connu Mary, avec qui j’allais à l’école.

— Vous m’avez dit que vous étiez allée hier voir votre mère dans la taverne de Bob ?

— C’est la vérité, c’est là que nous avons été loger en quittant Dog’s lane. Thompson avait fait un assez long voyage ; il a rapporté de l’argent et a acheté le lodging house de Star lane. Nous l’y avons suivi, ma mère et moi.

— Je croyais que le maître ce cette maison s’appelait Bob ?

— Oui, mais Bob et Thompson ne font qu’un. Seulement, s’il savait que je vous ai dit cela…

— Il ne le saura pas, rassurez-vous. Je comprends maintenant son voyage, voyage forcé, probablement, qu’il aura terminé brusquement et qui aura nécessité de sa part un léger changement de nom. Vous allez souvent voir votre mère ?

— J’espérais y être allée hier pour la dernière fois ; Bob m’avait promis de me laisser emmener ma mère avec moi, mais il m’a dit à quel prix, et c’est une grosse somme.

— Comment ! une grosse somme ! il vous vend votre mère ?

— Il m’a bien vendue, moi !

La jeune fille avait dit ces mots avec un éclair dans les yeux et en rougissant.

— Ah ! maître Bob fait des marchés de ce genre-là ! continua le gentilhomme. Combien demande-t-il de votre mère ?