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Tout en disant ces mots, le valet de chambre avait gravi l’escalier et s’était arrêté au premier étage.

James l’avait suivi.

— Attendez-moi là un instant, lui dit-il en le laissant dans l’antichambre et en pénétrant dans l’appartement que le jeune homme occupait dans la maison de son père, lors de ses rares apparitions.

Edgar Berney et ses amis étaient à table, en effet.

Par la porte entr’ouverte, James entendait des voix animées qui échangeaient des propos joyeux.

Il lui sembla même, mais cela ne pouvait être qu’une hallucination, que le nom de sa sœur avait été prononcé. Il se contint, convaincu qu’il s’était trompé.

— Qu’il entre, parbleu ! qu’il entre, le brave garçon ! entendit-il Edgar répondre au domestique, qui lui avait expliqué ce dont il s’agissait.

Sans attendre alors d’y être plus directement invité, James poussa la porte et se trouva en face du fils de M. Berney.

Ainsi que les deux amis qu’il avait eus à déjeuner, il était à peu près ivre.

Ces deux amis, jeunes hommes de son âge, étaient Gérard et Charles Maury, ses compagnons habituels de plaisir.

En reconnaissant le frère de Mary, le fils du manufacturier ne put retenir un mouvement de surprise, car son valet de chambre n’avait pu lui dire le nom de celui qui le demandait ; mais, malgré la physionomie sévère et irritée de l’ouvrier, qui lui faisait pressentir le motif de sa visite, il voulut néanmoins payer d’audace.

— Que voulez-vous ? mon ami, s’efforça-t-il de demander avec calme et en affectant même un air d’insouciance et de légèreté.

— Je voudrais vous parler à vous seul, monsieur Edgar Berney, répondit James.

— À moi seul ! pourquoi donc ? Vous avez, m’a-t-on dit, quelque chose à me remettre ; ces messieurs ne sont pas de trop.

— Pas même pour savoir que vous êtes un misérable et un lâche ? s’écria l’ouvrier, qui s’avança menaçant vers le jeune homme.

Edgar était devenu pâle à cette insulte, et, comme ses deux compagnons, il s’était levé brusquement de son siège pour châtier l’insolent ; mais cette émotion nouvelle et tout inattendue, après les copieuses libations auxquelles il s’était livré, lui permettaient à peine de se tenir sur ses jambes.

La tête lui tournait.

— Oui, un misérable et un lâche ! monsieur Edgar Berney ! répéta le frère de Mary. Vous m’avez échappé hier soir, mais voici ce qui m’a dit votre nom. Aujourd’hui, c’est votre sang qu’il me faut pour venger Mary.