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Groupés çà et là, ils causaient du meeting de la veille, auquel quelques-uns avaient assisté.

Welly et Cromfort péroraient en racontant ce qui avait été à peu près décidé, c’est-à-dire la grève pour la semaine prochaine, si les patrons des filatures de coton n’augmentaient pas les salaires.

Or, on savait que, de ce côté, il n’y avait rien à espérer de M. Berney, qui passait pour le plus dur de tous les chefs d’établissements.

Déjà plusieurs fois, dans des circonstances analogues, il avait résisté, préférant perdre plusieurs milliers de francs par jour plutôt que de faire la moindre concession.

Lorsque les ouvriers aperçurent James, qui avait sur eux une grande influence, à cause de son intelligence et par le fait aussi de ce qui s’était passé entre M. Berney et lui lorsqu’il avait sauvé la vie à sa fille, un grand nombre d’entre eux l’entourèrent pour savoir ce qu’il pensait.

Heureusement pour le frère de Mary qui, dans la situation d’esprit où il se trouvait, n’aurait su que répondre, qu’au moment où mille questions lui étaient adressées, la cloche annonçant l’ouverture des ateliers le tira d’embarras.

Dans la cour, il passa devant Welly remplissant son office de comptable, c’est-à-dire notant les entrées et ceux qui manquaient à l’appel.

Il échangea avec lui un geste amical, et, avant de se rendre à son poste, il recommanda à Tom de se trouver à midi juste à la grille.

Le brave garçon ne se demanda pas un seul instant pourquoi son ami avait besoin de lui ; il se contenta, à l’heure dite, de se rendre exactement à son poste.

En sortant de son atelier, James, qui avait quitté ses vêtements de travail, aperçut Tom, tranquillement assis sur une pierre et dévorant son frugal repas.

Il lui fit signe de l’attendre et se dirigea vers le pavillon d’habitation.

Il n’avait pas vu miss Emma qui, de sa fenêtre, le suivait des yeux.

— M. Edgar Berney est-il chez lui ? demanda-t-il au domestique qui était venu ouvrir la porte à son coup de sonnette.

— Oui, dit celui-ci tout étonné de voir un ouvrier demander le fils de son maître ; que lui voulez-vous ?

— Lui remettre un objet qu’il a perdu. Veuillez vous informer s’il peut me recevoir.

— Comment vous appelez-vous ?

— Mon nom est inutile. J’ai trouvé un portefeuille appartenant à M. Edgar et je voudrais le lui remettre moi-même.

— Venez ; mais je ne sais trop si monsieur pourra vous recevoir, il est avec des amis. Je crois même que ces messieurs sont encore à table.