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Dudley reçut la visite dans la nuit qui précédait le jour fixé pour son supplice.

Tombé dans un guet-apens, sir Robert Dudley était une victime doublement précieuse pour les sectateurs de Kâly : c’était tout à la fois un Anglais et un adversaire terrible du Thugisme.

Mais les misérables comptaient sans la passion que le vaillant et jeune officier avait inspirée à l’une des bayadères du temple de Wischnou à Allahabad, où il était en garnison.

L’Hindoue avait suivi les ravisseurs de celui qu’elle aimait, et lorsque celui-ci croyait qu’il n’avait plus que quelques instants à vivre, de même que miss Ada, une Anglaise, devait offrir à Nadir la liberté et la vie, de même la fille de Wischnou vint arracher sir Robert Dudley à la mort horrible qui l’attendait.

Cet épisode de la lutte sans trêve ni merci entre les Anglais et les Étrangleurs était connu de l’Hindou, et sans doute il avait d’étranges rapports avec quelque fait particulier de son existence personnelle, car ce souvenir lui avait arraché un triste sourire, et il s’était arrêté un instant.

Mais, chassant rapidement toute pensée étrangère à son but, il poursuivit son chemin.

Il marchait depuis près d’un quart d’heure, lorsqu’il atteignit un carrefour, sur lequel il lui parut qu’ouvraient plusieurs galeries semblables à celle qu’il venait de parcourir ; mais il s’arrêta brusquement sur le seuil.

Il lui semblait qu’il venait de percevoir un bruit sourd, profond, qui sortait des entrailles de la terre.

On eût dit ce murmure confus, tumultueux que laissent entendre les foules à une grande distance.

Il allait s’avancer cependant, lorsqu’il crut distinguer, malgré les ténèbres, un homme qui se tenait debout à l’entrée de l’un de ces couloirs.

Au même instant, non loin derrière lui, par ce même passage qu’il venait de suivre, il reconnut parfaitement les pas de plusieurs individus.

Il comprit qu’il était pris entre deux dangers.

L’homme qui était en face de lui était évidemment une sentinelle devant laquelle il ne pouvait songer à passer inaperçu, car il n’était pas possible qu’il échappât à sa surveillance, et, d’un autre côté, s’il restait à l’entrée de cette galerie, qui était trop étroite pour qu’il pût tenter de se blottir à terre afin de livrer passage à ceux qui arrivaient, dans un moment il serait découvert.

Sa résolution fut prise en un instant.

Tirant vivement de sa ceinture un long foulard de soie, il enferma solidement dans un de ses angles plusieurs pièces de monnaie à l’aide d’un