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venu jusqu’à lui, ce vieillard inanimé pouvait seul lui dire où cette fortune était enfouie.

— Ah ! je ne veux pas que cet homme meure, dit soudain Nadir, l’œil étincelant.

Et, soulevant l’Hindou entre ses bras vigoureux, il entr’ouvrit ses paupières boursouflées et chercha pour ainsi dire à faire pénétrer jusqu’au fond de ses yeux glauques et vitreux ses regards chargés d’effluves.

Il le tenait pressé contre son cœur, comme une maîtresse aimée.

On eût dit qu’il voulait que toute sa volonté passât en lui et que ce corps inerte retrouvât, grâce à sa puissance régénératrice, et la parole et la mémoire.

Cela dura quelques instants, qui furent pour Nadir des siècles entiers d’angoisses ; puis le vieillard tressaillit brusquement, ainsi qu’il l’eût fait sous un choc magnétique, et, comme s’il eût répondu à celui qui cependant ne parlait pas :

— Là ! maître, là ! dit-il d’une voix étranglée, en baissant ses yeux sur la natte d’où il avait été arraché.

Puis un soupir profond, le dernier, s’échappa de sa bouche entr’ouverte dans un hoquet.

Nadir sentit ce souffle glacé passer sur son visage.

Il ne tenait plus dans ses bras qu’un cadavre, mais il savait !

Pour la seconde fois, il avait vaincu la mort.

Laissant alors le corps s’affaisser le long de la muraille, il souleva rapidement la natte de jonc.

Elle recouvrait une large pierre, au centre de laquelle un anneau était scellé.

Il le saisit, et l’attirant brusquement à lui, démasqua l’ouverture d’un caveau où gisaient pêle-mêle, entassés l’un sur l’autre, des coffres et des vases de toutes les formes.

D’un seul effort il transporta dans le caveau supérieur un de ces coffres, le premier qui se trouva à la portée de sa main, et lorsqu’il en eut fait sauter le couvercle à l’aide de son poignard, ses yeux furent éblouis.

Il y avait là en pierres précieuses, en lingots d’or et d’argent, en pièces monnayées de toutes les époques, depuis les lourdes pagodes d’or jusqu’aux guinées anglaises, des richesses à donner le vertige.

— Enfin, disait-il, enfin !

Il plongeait ses mains frémissantes dans les flots de rubis, d’émeraudes et de diamants qui, de leurs feux scintillants sous les derniers éclats de la torche, semblaient faire de ce sombre espace un océan de lumières et de rayons.