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Golconde était alors une ville importante, non pas par les richesses de ses mines de diamant, car, malgré les récits des voyageurs, il n’y en a jamais eu une seule dans les environs, mais parce qu’il s’y faisait un grand commerce de pierres précieuses, qu’on y taillait le diamant mieux que partout ailleurs, et que les radjahs y avaient établi leur résidence.

Lorsque les princes, vaincus et ne songeant plus à la lutte, abandonnèrent Golconde pour Hyderabad, la ville perdit rapidement de son importance. Il n’en reste guère maintenant que la citadelle, à la fois forteresse menaçante et prison d’État.

La prison occupait le centre de la construction générale, amas confus de tous les styles et véritable dédale de passages, de couloirs et de souterrains, que Stilson se plaisait à faire admirer à ceux qui désiraient les visiter, avec une permission du gouverneur.

L’ancien brasseur avait bien trouvé un peu dur de rompre avec ses habitudes de taverne, mais il se vengeait à domicile de ce sacrifice, soit en se grisant avec les sous-officiers du poste, soit même, à la rigueur, en s’enivrant tout seul, lorsque la dernière ronde était faite et que sa femme et ses enfants étaient couchés.

Quand il était dans cet état, le canon du fort, qui annonçait le lever et le coucher du soleil, aurait vainement tenté de le réveiller, et les prisonniers, s’ils n’avaient été que sous sa garde, auraient pu s’échapper sans qu’il cherchât même à en arrêter un seul.

C’est à peine si de légères observations lui avaient été faites par ses chefs au sujet de son penchant favori ; le gros geôlier se trouvait donc l’homme le plus heureux du monde.

Cependant, lorsque la prison fut si subitement peuplée par Romanshee et ses complices, on lui recommanda la surveillance la plus active.

On craignait quelque tentative d’évasion et même une attaque du dehors.

Maître Stilson, dont la bravoure n’avait rien d’héroïque, avait alors daigné se contenir un peu, peut-être plus encore, il est vrai, par amour de lui-même que par dévouement au service.

Heureusement pour sa santé que cette abstinence ne devait pas être éternelle.

Il n’aurait pu y résister, car les quelques verres de gin qu’il s’était hasardé à boire de temps en temps n’avaient fait pour ainsi dire qu’augmenter sa soif.

Aussi le jour où on le débarrassa des conspirateurs condamnés au dernier supplice, voulût-il fêter dignement sa délivrance.

Pendant vingt-quatre heures, il tint tête à tous ceux qui osèrent se mesurer avec lui.