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« L’arme, entraînée par son poids, ne rencontra aucun obstacle : le bopal était bien vide intérieurement.

« Assuré de ce fait, je remontai mon poignard dont je ne voulais pas me séparer, je laissai retomber dans l’arbre la corde que j’avais fabriquée et j’attendis, dissimulé derrière une des grosses branches. Les deux Thugs s’impatientaient sans doute, car tout à coup j’entendais un murmure au-dessous de moi.

« Les brigands étaient revenus en rampant.

« L’un se plaça en sentinelle, l’autre recommença à monter.

« Je le laissai arriver ; puis, quand il fut à moitié chemin, je pris mon kandjar entre mes dents ; et me laissant glisser le long de la corde, je descendis rapidement dans le trou.

« Arrivé au bas, je respirai un instant, m’accroupis et commençai à me glisser à travers l’ouverture. J’avais à peine la tête hors du trou que j’aperçus devant moi le Thug posé en sentinelle. Il me tournait le dos.

« Le trou au pied de l’arbre était à peine assez grand pour me laisser passer, et j’eus quelque peine à me traîner au dehors. Je ne saurais dire ce que j’éprouvai pendant les quelques minutes que je restai dans cette position épouvantable.

« Au milieu du silence profond de la nuit, le seul bruit de ma respiration pouvait me trahir. Si le Thug se retournait, j’étais perdu, car, pris entre l’arbre et la terre, j’étais entièrement à sa discrétion.

« Enfin, je pus me glisser dehors. Je me dressai avec des précautions infinies au milieu des broussailles, puis à peine debout, je tirai mon poignard, et me précipitant sur le brigand, je lui enfonçai violemment mon arme jusqu’à la garde entre les épaules.

« Je l’avais frappé si fort qu’il tomba la face contre la terre sans pousser une plainte. Il était mort.

« J’appuyai mon pied sur le corps et retirai, non sans peine, mon poignard de la blessure.

« J’eus un moment l’idée de m’éloigner, mais la vue du sang, l’horrible quoique court supplice que j’avais enduré au pied de l’arbre, m’inspirèrent la pensée de la vengeance.

« — À nous deux ! me disais-je.

« Pendant ce temps, le second Thug avait escaladé l’arbre, où il me cherchait vainement. En ce moment, il s’aperçut probablement du moyen que j’avais employé pour descendre.

« Il fit de nouveau entendre cette espèce de sifflement qui avait déjà précédemment servi de signal.

« Je me doutai de ce qu’il projetait. Il était probable qu’il allait suivre le même chemin que moi pour arriver à terre. Je saisis rapidement le