Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« — C’est égal, reprit Khasima, si vous avez quelque affection pour moi, veillez, tenez-vous sur vos gardes.

« — J’ai là un bon ami, dis-je à Khasima en lui montrant un formidable kandjar (poignard indien), auquel je puis me confier.

« — N’importe, dit-elle, n’oubliez pas ma recommandation.

« En ce moment, il se fit du bruit dans la maison.

« Khasima disparut comme une biche effrayée et je rentrai au quartier.

« Le lendemain, je partis. Pour toute arme, je portais mon kandjar.

« Je fus rejoint bientôt par trois individus qui me parurent suspects.

« Leur manière de me regarder et de s’approcher de moi me surprit ; je me tins sur mes gardes.

« Tout à coup, l’un de ces trois hommes qui s’étaient imposés à moi voulut me saisir ; je le repoussai vigoureusement ; je me retournai, la pointe de mon poignard en avant.

« Il était temps !

« Les deux autres misérables étaient devant moi : l’un d’eux avait le bras levé et tenait à la main le mouchoir avec lequel il voulait m’étrangler.

« La lutte était impossible ; il fallait fuir.

« Je pris ma course vers le village que nous avions quitté ; mais la course était longue.

« En ce moment, je passai devant un nopal énorme ; je jugeai que là était mon salut.

« Je me retournai, mes persécuteurs n’étaient plus qu’à cent pas de moi.

« Je m’élançai sur l’arbre, dont l’écorce noueuse et rugueuse m’en rendait l’ascension facile, et, quelques instants après, je me trouvais déjà à la naissance des branches maîtresses.

« Je m’assis pour reprendre haleine.

« Les trois hommes cependant étaient arrivés au pied de l’arbre et se consultaient.

« De temps en temps ils levaient les yeux vers l’endroit où je m’étais réfugié.

« Je résolus de monter plus haut.

« La nuit était venue, et mes adversaires étaient toujours là, causant à voix basse et jetant les regards de tous côtés.

« L’un d’eux était posté en sentinelle, le dos tourné vers l’arbre sur lequel un autre essayait de grimper.

« Je portai un instant la main sur mon kandjar pour voir s’il était toujours à sa place, et je grimpai encore.

« Tout à coup, ma tête donna contre un objet velu et résistant ; la sensation que j’éprouvai me fit redescendre le long de la branche où je me trouvais ; je levai la tête : un énorme chat-tigre (un chettah) était devant moi.