Page:René de Pont-Jest - Le Procès des Thugs.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Ceux qui procédèrent à cette étrange inhumation refermèrent soigneusement le caveau et s’éloignèrent.

« Une garde, qui devait être relevée d’heure en heure, avait mission de veiller jour et nuit sur le tombeau. Elle se composait de six notables de la caste des Kchatryas et de six soldats anglais.

« Des brahmines, des prêtres de Bouddah, s’y étaient adjoints volontairement dans l’espoir de confondre les yogis musulmans.

« Le huitième jour arriva ; toute la population était sur pied ; des milliers d’yeux étaient fixés sur la tombe d’où allait sortir Vlicâsâ triomphant. La pierre fut enlevée. Horreur ! il était là, mais couvert de sang et déchiré par d’affreuses morsures.

« Auprès de lui était une panthère !

« Éblouie par la brusque transition des ténèbres à la lumière et du silence au bruit, elle hésita un moment, puis bondit au milieu des assistants épouvantés et disparut dans la forêt de Djanasthâna. »


Après cet émouvant récit, le témoin, accablé par ses douloureux et terribles souvenirs, s’était affaissé sur lui-même et semblait anéanti. On le transporta dehors de la salle, et l’attorney général expliqua comment avait été commis cet attentat.

Une enquête minutieuse, ouverte sur ce dramatique événement, avait étable que, cachés dans les épais taillis des environs, les Thugs avaient creusé une galerie souterraine, qu’ils avaient étayée avec des branches d’arbres et qu’ils avaient ainsi pénétré jusqu’à Vlicâsâ endormi.

Leur première pensée avait dû être d’égorger le malheureux yogi, car il avait au cou une profonde blessure faite avec un poignard ; mais, par un raffinement de cruauté, ils avaient poussé dans le couloir souterrain une panthère privée, qu’on savait appartenir à Feringhea.

Près du cadavre on avait laissé un parchemin, sur lequel était tracé en lettres rouges :

« Ceci est écrit avec le sang de Vlicâsâ :

« On n’insulte par les Thugs impunément ! »

— C’est vous qui avez ordonné ce meurtre, Feringhea ? demanda sir Monby au jemadar.

— C’est moi, mylord, répondit-il fièrement ; cet homme avait insulté notre secte. Comme Hindou, il était deux fois coupable.

Cet aveu devait être le dernier mot de cette audience si épouvantable, mais le président ne suspendit les débats qu’après avoir annoncé qu’à cause de la chaleur, les audiences auraient lieu désormais de 6 à 11 heures du matin, pour être reprises ensuite de 7 heures à 10 heures du soir.