Page:René de Pont-Jest - Le Fire-Fly.djvu/8

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses, et j’en avais eu bientôt assez des parties de chasse dans la plaine des Palmistes et aux Mornes, ainsi que des courses à Saint-Paul et à Saint-Pierre.

Les lettres de recommandation que j’avais emportées avec moi m’avaient bien fait ouvrir les principaux salons de Saint-Denis ; mais, en ne retrouvant, dans l’indolent et gracieux monde créole, que les petitesses, les envies et les vieux vices de notre monde européen, je n’avais pas été tenté de vivre longtemps au milieu de lui. Sous les varendes parfumées, les causeries méchantes ou vides ne me semblaient pas plus agréables que sous les plafonds dorés des salons.

Ce soir-là, le ciel me prit en pitié, quand je revenais du camp des noirs ; où j’avais été fumer quelques cigares en assistant aux danses et en écoutant les chants des nègres ; mais, malgré l’originalité de ces deux choses, je revenais assez tristement, en suivant les bords de la rivière de Saint-Denis et en fredonnant une de ces chansons populaires des esclaves, qu’il faut leur entendre chanter pour en comprendre toutes les naïves et douloureuses poésies.

Je suivais donc la rive gauche de la rivière de Saint-Denis, à peu près à sec dans la saison où nous étions, et, peut-être pour imiter le mince filet d’eau qui de rochers en rochers bondissait en se jouant pour gagner la mer, mes pensées s’élançaient d’un sujet à un autre, laissant les nègres pour songer un instant à la patrie, dont, moi aussi, j’étais exilé ;