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l’autre abritait ses chevaux et ses éléphants. Au fond du jardin s’élevait une petite pagode ; sur les parterres s’étendait la varende, large et longue galerie, fermée le jour par des tentures, la nuit par des jalousies, et communiquant avec l’appartement du maître et celui des femmes.

Sonda Bohadoor, qui était propriétaire de presque toutes les plantations qui s’étendaient alors autour d’Ambégi, et qui descendait d’une des familles princières de l’île, était, à cette époque, un homme d’une soixantaine d’années, encore fort et robuste, et caressant orgueilleusement une grande barbe blanche qui lui descendait sur la poitrine. Il portait dans toute sa simplicité le costume indien.

Il s’inclina à notre entrée, et, nous accueillant avec la formule indienne de bienvenue : Sahib sulamut, toomhara mukan hy. — Que Dieu soit avec vous, messieurs ! ma maison est la vôtre, — nous fit signe de prendre place auprès de lui, sur les coussins qui couvraient les nattes. À chacun de nous un domestique apporta un gargouli chargé et allumé, dernière prévenance dont on aurait pu se dispenser à mon égard, mais que le bout d’ambre qui garnissait le tuyau rendait moins désagréable, et on approcha des plateaux couverts d’oranges et d’ananas.

Les mœurs indiennes voulant que les premiers moments de l’entrevue se passent dans le plus profond silence, pendant quelques minutes, la varende n’entendit pas d’autres bruits que celui des bouillonnements de nos pipes.