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retenir un franc éclat de rire à la grimace significative de mon opulent compagnon d’infortune. Imaginez-vous quinze pieds carrés d’un sol humide, à peine abrité par une toiture de feuilles de lataniers, des murs jadis blanchis, mais il y avait longtemps, sur lesquels, en hiéroglyphes parfaitement déchiffrables, si peu Champollion qu’on fût, grimaçaient les marques visqueuses du passage des lézards et des scorpions ; deux ou trois escabeaux boiteux, une table, un grand coffre de bois de teck propre à tous les usages, surtout à être brûlé, et un lit, mais quel lit ! Deux ou trois nattes sur deux ou trois planches vermoulues, et pas la moindre moustiquaire pour nous préserver des visites de tous ces insectes ailés des nuits tropicales, qui n’attendaient que l’obscurité pour commencer leur promenade et leur concert.

Il fallut cependant en prendre notre parti. Ce fut Canon qui me donna l’exemple en se débarrassant, avec autant de calme que s’il eût été dans sa jolie cabine du Raimbow, d’une portion de ses vêtements, et en se disposant à prendre sa place, sa grande place, sur notre petit lit. Moins courageux que lui, j’hésitai quelques instants ; puis, faisant contre fortune bon cœur, je me décidai enfin. Laissant alors brûler la lampe, dont la clarté devait éloigner un peu les moustiques, je m’étendis auprès de lui.

Il y avait à peu près deux heures que Canon et moi dormions d’un profond sommeil, lorsque, tout à coup, des beuglements effroyables et le bruit d’une lutte,