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à un petit escalier qui, en se glissant entre deux cases, descendait de la rue jusque sur le fleuve.

Comme j’avais l’intention de rester longtemps à terre, je renvoyai mon embarcation ; puis, je me mis à gravir, en suivant mon ami et cicerone, les quinze ou vingt marches vermoulues et branlantes de l’escalier de bois, en dessous duquel j’entendais, le long des pilotis, clapoter les vagues.

La dernière planche de ce glissant et peu commode débarcadère me renvoya dans la grande ou plutôt l’unique rue de Whampoa.

Je dus d’abord habituer mes yeux au demi-jour qui seul l’éclairait, grâce aux auvents des boutiques relevés horizontalement, et mes oreilles aux mille cris discordants qui se croisaient dans l’air.

C’était vraiment là, plutôt qu’une rue, une longue galerie de bois aux boutiques occupées par mille métiers et mille industries et regorgeant d’une foule hétéroclite, polyglotte et multicolore. Anglais, Français, Hollandais, Chinois, se croisaient affairés, pressés, se disputant, jurant et finissant toujours par s’entendre. Les compradors[1] couraient de magasin en magasin, les porteurs d’eau vous éclaboussaient en passant, les matelots buvaient et chantaient en attendant que leurs embarcations fussent chargées, les arrimeurs se précipitaient dans les bateaux pour aller continuer leur travail en rade, et, çà et là, un pétard vous partait dans les jambes, grâce à un mar-

  1. Nom que l’on donne aux fournisseurs des navires.