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partout où se trouvaient des hommes capables et de bonne volonté. Il eut rapidement un commandement important. Puis, lorsqu’il voulut se décider à adopter la religion du pays et à prendre plusieurs femmes, il vit la faveur le pousser aux plus hauts emplois, et il fit de la marine siamoise la première marine de ces contrées.

C’est dans cette situation que nous le trouvions : bouddhiste à peu près, amiral tout à fait, et, de plus, marié à trois femmes, de l’une desquelles il avait un fils. Sa vie n’était pas cependant toute de rose : la jalousie des seigneurs siamois avait crû en raison de sa faveur, aussi songeait-il à déloger un beau matin pour retourner en France, sans prévenir son auguste maître.

— Ma vie, nous dit-il, n’est qu’une lutte de tous les instants ; je ne fais pas un pas sans être épié ; dans mes matelots se cachent évidemment des espions et des traîtres ; je ne marche qu’armé jusqu’aux dents. Chacune des réformes que j’entreprends me fait un ennemi de plus. Sans la protection directe du roi qui s’étend sur moi, depuis longtemps je serais assassiné. Je n’obtiens le silence des bonzes qu’à force de cadeaux, car vous comprenez bien qu’excepté les jours de grande cérémonie je ne vais pas à la pagode. Quant à mes femmes, j’ai acheté deux d’entre elles, elles ne peuvent avoir pour moi aucune affection ; l’autre m’a été donnée par le roi, malgré les cris de la noble famille à laquelle elle appartient.