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et d’éclairer la route, — hommes et bêtes, dis-je, se mirent à arpenter rapidement le chemin poudreux.

La voiture qui nous était échue en partage n’était ni meilleure ni moins bonne que les cinquante autres véhicules de l’hôtel. C’était une assez vaste calèche qui avait dû avoir ses beaux jours et qui était, à peu près, tout ce qu’il fallait pour l’excursion que nous entreprenions. Les ressorts sonnaient bien un peu la ferraille, mais les coussins n’avaient pas trop perdu de leur embonpoint primitif. Chacun de nous, enfoncé dans son coin, se laissait aller à l’originalité de la situation.

Sir John avait souvent parcouru cette route, soit pour aller à Mysteer, soit pour aller chasser dans l’intérieur ; aussi le cher commandant était un peu blasé ; mais moi, qui courais vers l’inconnu, je ne pouvais empêcher mon imagination de trotter. En vraie vagabonde qu’elle était encore, elle faisait du chemin.

De temps en temps, nos hommes agitaient leurs torches pour les ranimer. Les brusques lueurs qui s’en échappaient allaient dessiner des ombres bizarres dans les massifs. Je me penchais alors hors de la voiture : il me semblait voir les ténèbres se peupler de fantômes, d’êtres et d’animaux fantastiques. Puis un sifflement prolongé et un cri perçant, que je ne puis mieux comparer qu’à celui d’un enfant qui souffre, me faisaient retomber bien vite sur mon coussin : une vipère noire venait de s’élancer de la route pour s’enfuir dans les hautes herbes, et un