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sa tête cuivrée dans ses deux mains. Quant aux rameurs, j’avais eu raison de compter sur leur lâcheté : chacun d’eux craignant pour soi la première balle, ils bondirent à leurs bancs, où, aussitôt, ils se courbèrent sur les poignées de leurs avirons en murmurant des paroles de malédiction contre Soumdi.

Je ne les quittais pas du regard, dirigeant mon arme vide, tantôt vers l’un, tantôt vers l’autre des misérables. L’embarcation volait sur la lame, j’entendais, répondant à chaque coup d’aviron, les battements de mon cœur, qui le soulevaient à le briser.

Cela dura près d’un quart-d’heure, qu’il nous fallut pour doubler la pointe de l’île et rentrer dans le bras rapide du Hougli.

Là, j’étais sauvé, mille bateaux se croisaient sur le fleuve. Je jetai un dernier regard vers ces eaux calmes où j’avais bien failli servir de pâture aux caïmans, puis je lançai l’embarcation au milieu du courant pour gagner plus promptement la rade.

Au moment où j’allais dépasser la pagode de Kâli, mon domestique sauta soudain dans l’eau, et se mit à nager vigoureusement vers la terre. Je ne voulais pas que le crime du misérable restât impuni ; je donnai ordre à mes hommes de le poursuivre. Le danghee n’avait pas viré de bord pour se diriger vers lui que je le vis lever la tête hors des flots, puis pousser un grand cri et disparaître dans une nappe rouge de sang qui colorait les eaux. Justice était faite, grâce à un caïman.