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le fleuve de feu n’eût pas de flammes pour sa maitresse[1].

Je distribuai de l’argent aux prêtres en leur recommandant, au nom de sir John, de veiller à ce que le tombeau de la jeune fille fût toujours couvert de fleurs et j’allais l’entraîner hors du cimetière, lorsqu’un cri d’épouvante et d’horreur fut poussé par les assistants. Le houkabadar, avant que personne eût pu deviner son intention, s’était enfoncé dans le cœur un poignard qu’il tenait, depuis longtemps sans doute, caché dans sa ceinture. Il était tombé comme foudroyé sur la tombe de la bayadère en murmurant : Naragana, Naragana[2] !

Nous nous précipitâmes vers lui ; mais le malheureux avait trop bien voulu ne pas survivre à sa maîtresse ; il ne respirait déjà plus ; la mort avait dû être instantanée.

Sir John était anéanti.

— Encore une existence perdue par moi, disait-il, d’une voix sombre et comme ne se parlant qu’à lui-même. L’Hindou est-il donc plus fidèle et plus courageux que son maître ! Vous devez me trouver bien misérable ? ajouta-t-il, en se tournant vers moi et en laissant tomber sa tête sur sa poitrine.

  1. La mythologie indienne place le juge des morts dans un palais entouré d’un fleuve de feu que doivent traverser les âmes, et les Hindous croient que le don d’une vache noire aux brahmines peut refroidir les eaux.
  2. Un des mille noms de Vischnou. Les Hindous croient qu’il suffit de prononcer un des noms du Dieu, même involontairement, avant de mourir, pour sauver son âme.