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Le houkabadar tenait sur ses genoux la tête pâle de la bayadère : il la regardait les yeux secs, le visage impassible. Cette douleur muette, résignée, était une chose terrible.

Je me penchait sur Goolab-Soohbee et mis la main sur son coeur ; il battait encore. J’approchai mon visage de ses lèvres, un souffle léger en sortait.

— Mais elle vit ! m’écriai-je, tout n’est pas perdu. Voyons, ami, du calme, donnez-moi de l’eau et quelques gouttes de rhum.

Le houkabadar, posant doucement la tête de la bayadère sur un coussin, s’élança jusqu’au fleuve. Dix secondes après cette parole d’espoir, il était près de moi avec un verre. Sir John s’était jeté à genoux auprès de sa maîtresse, dont je séparais les dents avec un poignard pour lui faire boire quelques gouttes du breuvage. Tous trois, haletants, nous attendions, les yeux fixés sur ses lèvres.

Nous passâmes un quart-d’heure ainsi sans échanger une parole. Je commençais à désespérer lorsque la pauvre enfant tressaillit. Je lui versai encore dans la bouche quelques gouttes de rhum. Je sentis bientôt son coeur battre avec plus de force, en même temps que ses joues se coloraient.

Le fidèle serviteur avait repris la tête de la jeune fille sur ses genoux ; Canon tenait une de ses mains dans les siennes. Nous suivions, sans nous communiquer nos pensées d’espérance ou de crainte, les progrès de la vie qui revenait en elle.