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plus qu’à notre charmante compagne dont le palanquin était fermé, je m’étendis dans mon palkee en allumant un cigare, et en laissant mes rideaux ouverts, comme j’avais fait de ceux de la porte, afin que l’air circulât plus librement.

De la façon dont j’étais couché, je voyais jusqu’à la rivière que la lune, qui se levait alors, éclairait çà et là de ses pâles reflets. La nuit était délicieuse de fraîcheur et de poésie, je ne songeais guère au sommeil. Peu fait encore à la nouvelle existence que je menais depuis quelques mois, ce qui surtout pour moi avait toujours de nouveaux charmes, c’étaient ces soirées embaumées des grands bois des régions tropicales. Je ne m’endormais jamais qu’avec regret, j’aimais toujours à m’enivrer des parfums âcres et pénétrants de ces riches natures ; j’adorais suivre, dans le silence, ces mille bruits indéfinissables de la nuit.

J’étais donc dans ces dispositions d’esprit, rêvant, écoutant le murmure des flots, le chant du bulbul, le sifflement du gaya, cet oiseau mignon dont les Indiens font un petit serviteur ailé et qui, disent-ils, éclaire son nid, en forme de bouteille, avec des vers luisants ; j’aspirais de tous mes poumons cette atmosphère chargée des émanations du sandal, du parfum du perempalk[1], le bois d’aigle, et de la fraîcheur

  1. Cet arbre, connu sous le nom d’agolocum, renferme dans son écorce un parfum fort estimé des Chinois qui l’achètent au poids de l’or.