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la route la plus sûre à prendre était celle qui partait de Tritchinapaly. Mais nous apprîmes aussi une chose peu rassurante, c’est que les tugs, chassés du centre de la presqu’île par plusieurs expéditions anglaises, avaient fait invasion dans le Dekan méridional et que les routes en étaient infestées.

Ce dernier renseignement sembla n’inquiéter que médiocrement mon compagnon, qui ne croyait guère à ces sectateurs de Kâli. Il traitait les étrangleurs de mythes et de fantômes bons à effrayer les Indiens. Nous rentrâmes à l’hôtel bien décidés à partir.

Laissant mon ami à ses rêves amoureux, je m’étais retiré chez moi pour mettre un peu d’ordre dans mes idées et je fumais derrière ma jalousie, lorsque j’aperçus un mendiant qui, étalant les plaies hideuses dont ses bras et ses jambes étaient couverts, venait tendre la main, en psalmodiant, à toutes les fenêtres du rez-de-chaussée. Le malheureux ne semblait plus pouvoir se traîner. Une lèpre affreuse avait dévoré ses chairs ; ses jambes gonflées par l’éléphantiasis étaient informes et ne le soutenaient qu’avec peine ; chacun de ses pas paraissait lui causer d’affreuses douleurs. Rempli de pitié pour une aussi profonde infortune, j’avais mis ma main à ma poche et j’allais jeter à l’Hindou quelques sapeks, lorsque je fus étonné de la clarté de son regard. Cet œil vif et brillant n’était pas celui d’un lépreux ; ce regard incisif s’était déjà croisé avec le mien !

Je laissai tomber alors une à une les pièces de