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une énorme vague de terre vint s’abattre mollement sur le corps de Mousse. On ne le vit plus. Les canons allemands l’avaient tué ; ils l’enterraient. La mitraille lui avait fait une horrible blessure : aussitôt elle lui creusait une tombe, l’y étendait et le recouvrait. La terre le reprenait, sans que la main de l’homme aidât. La guerre le frappait, mais elle le gardait. Le repos tout de suite, après la mort. Pas de corps palpé ni de poches fouillées ; pas de plaintes ; pas de phrases. Soldat Mousse : disparu…

Gaspard se mit à geindre :

— Ah !… Ah ! Guillaume !… Si je l’tenais c’cochon-là !

Deux brancardiers s’approchaient qui le prirent vivement, l’un sous les reins, l’autre par les aisselles.

— Te raidis pas ; laisse-toi porter.

Il dit :

— Voui… voui, v’s êtes des poteaux ; mais si je l’tenais… ah ! c’cochon-là !

Sur un brancard à roues, malgré les marmites qui s’écrasaient autour d’eux, ils le roulèrent jusqu’à une route, où d’autres infirmiers se chargèrent de le conduire à l’ambulance. — Elle était installée parmi des maisons en ruines, dans une grande cave de ferme crevée d’obus.

On y descendit Gaspard qui commençait à