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Un soir, enfin, il lui parla de sa « vieille » et de sa femme. Il ne lui dit point qu’il n’était pas marié : ce ne sont pas des choses à dire à une jeune fille. Mais il y avait plus de deux mois qu’il n’avait pas vu sa Marie et il remarqua :

— C’est pas que j’m’attendais à c’qu’elle viendrait ici. J’ai rien d’grave : ça vaut pas d’dépenser du pognon. Seulement… elle s’serait amenée sans m’le dire, qu’j’aurais pas r’gretté c’te galette-là !

Mlle  Viette l’écoutait assise près de son lit, sur le rebord de la fenêtre. La fenêtre donnait sur un jardin, vrai jardin de France avec une échelle dans un prunier. Plus loin, il y avait le potager et un petit bassin rond au milieu. Il faisait une soirée d’automne paisible et dorée. Mlle  Viette semblait encore plus blonde. Un air doux pénétrait dans la salle. Des blessés somnolaient déjà ; et en bas, dans le jardin, on entendait le murmure d’une sœur qui priait en marchant.

Mlle  Viette était rêveuse. Gaspard soupira. Elle lui tendit la main : « Au revoir… Bonne nuit ». Il répéta :

— C’est ça, bonne nuit… vous aussi, mam’selle.

Et quand elle fut partie, il eut le cœur encore plus gros de n’avoir pas revu sa femme.

Quelques minutes après, la sœur entra.