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GASPARD

signé, charitable, était un baume aux grands blessés qui songeaient à la mort. — Mme  Arnaud, la voix chantante et le bras arrondi, semblait faite au contraire pour ceux qui vont guérir, et qui s’en attendrissent. — Et Mlle  Viette, si éveillée, si souple, si remuante, c’était le plaisir de vivre pour des convalescents.

La première, on l’embrassait quand on se sentait mourir. La seconde, il venait à ces hommes comme un désir timide de lui baiser la main. La troisième, Gaspard rêvait de s’aller promener avec elle.

Gaspard à l’hôpital ! Fut-il soigné ou soigna-t-il ?

Trois jours de lit, puis il fut debout. Ça l’éreintait ! Il ne pouvait plus ! Il eût fallu le ficeler. Il dit à Mlle  Anne :

— C’est fini… J’ sens pus rien… J’ vous promets, c’est fini…

Et, boitant horriblement, s’avouant lui-même : « C’t’ à croire qu’ j’ai une fesse en bois », il entreprit d’abord de visiter toute la bâtisse, qu’il avait dénommée joyeusement : « l’atelier de réparations ». Chapelle, cuisine et caves, où ne mit-il pas son nez de badaud ? Il vit le jardin, la pharmacie, la lingerie, et il remonta, sachant où s’embaucher pour rendre service.