Page:René Benjamin - Gaspard, 1915.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
GASPARD

dis, pauv’e vieux, c’ qu’on rigolait !… On s’ chatouillait d’ dans les herbages… Pis c’ roupillon ! C’ que j’écrasais !

— Oh, reprenait le boueur, maintenant, y a pus à s’ plaindre. V’là deux jours qu’on fout rien, et j’ai l’ sein qu’est enlevé, mais quoi, j’ suis pas nourrice !

— T’as pas tort, faisait le livreur, moi j’ crois qu’on tient l’ filon.

Lui, lardé de shrapnells au bras et à la cuisse, il se couchait sur le dos, et il contemplait le ciel :

— Les vieilles bourgeoises, elles vous parlent qu’y a un paradis : j’aime mieux l’ croire que d’ le voir. Quand j’ai r’çu ma ferraille, j’ai dit : « Aux abatis, ça va. Rien dans l’ buffet, ça colle. »

Et il s’étirait voluptueusement.

Tout à coup, le train sifflait. Comme écho, le mot de Cambronne, bref, preste et cent fois redit. Puis, toute cette Cour des Miracles se hissait, se retassait, se recalait dans les wagons, à la fois haïssables et prometteurs, car ils étaient durs, étroits et bien secoués, mais ils disaient quand même : « Nous roulons vers des lits. » Des lits ! Des « pieux ! » Quel rêve ! Et Gaspard du haut de son filet criait au camarade qui se pelotonnait dans le coin :

— Eh, vieux, fous-toi à la portière !

— Pourquoi ?