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7 juin 1937.

Que vous êtes sage, Hélène ! Voilà le cri que j’ai, quand je pense à ma sœur en même temps qu’à vous. Remarquez qu’en vous disant : « Je vous parlerai de ma sœur », je n’avais pas l’intention de me moquer d’elle. Je l’ai tant aimée petite fille ! Ce souvenir me gênerait pour n’user devant son cas que d’une froide ironie. Je lui donne encore mon cœur… avec ma pitié. Elle la mérite. Elle mène une vie absurde, victime de son temps. Les femmes résistent encore bien moins que les hommes !

On ne s’aperçoit qu’avec l’âge que les femmes ne sont pas fortes. À trente ans, comme on ne regarde que les femmes de vingt, on ignore la brièveté de leur vie. Elles ont des nerfs à haute tension, sans durée. Il faut pour qu’ils durent l’appui de l’homme, et sa sagesse ; mais dans une société médiocre, sans poésie, l’homme est si vite la proie de son métier, de ses idées fixes : il s’épaissit, il s’abêtit. La femme s’affole, je veux dire devient folle, et la décadence va bon train !