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vous quitte. Je suis à l’heure. Au plaisir !)… avais-je entendu dans sa bouche un mot, un seul, indiquant autre chose que des jeux et du divertissement ? Il est des êtres qui naissent chargés d’une hérédité compliquée. D’autres viennent au monde, allégés de tout. Ce Lévi-Prune est sans tradition, donc sans inquiétude. À son aise, comme dans un monde neuf. Il est arrivé vide, et par ses hardiesses d’inconscient, qui risque, réussit et s’amuse, il a conquis la vieille France ! Y a-t-il plus gobeur que les vieux ? Leur expérience les décourage, puis brusquement, ils éprouvent le besoin d’espérer !

Lévi-Prune ! Pas de nom plus populaire… avec Rothschild ! Connu des petits enfants du dernier des villages… Seulement, il n’est que cela !… Pas antipathique, — (je sais même ce qu’il ne m’a pas dit : qu’il a installé des cités ouvrières, des infirmeries, des foyers, des crèches, fait des discours enivrés, établi des statistiques enivrantes) — mais en fin de compte… il est si médiocre ! Intelligent ? Bien entendu ! Est-ce qu’on crée de ces entreprises sans l’être ? Du point de vue humain, aucun intérêt. Un phénomène ; un échantillon drôle. Peut-on mesurer ce que des gens pareils préparent et déchaînent ? Ce doit être épouvantable ! Ils obéissent à leur instinct, sans voir les suites. Au petit bonheur ! Ils créent ; le reste n’est pas leur affaire ! Et si