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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

presque nonchalante, je voudrais être sourcier !

— Sourcier ?

— Oui, papa !… J’aimerais deviner où il y a de l’eau… fendre la terre… faire partir des sources…

Il soupira ; il prit un temps.

— Parce que tout le monde a soif… et qu’il n’y a rien qui me plaise tant, avec la voix de ceux que j’aime, que le bruit de l’eau, quand elle coule doucement.

Je ne dis rien tout de suite. Je restai d’abord stupéfait de bonheur devant cette réponse qui pouvait s’interpréter, où il y avait des possibilités miraculeuses. Puis, brusquement, j’embrassai l’enfant et je songeai : « C’est bien plus beau que tout ce que j’espérais ! »

Ceci se passait hier, Hélène. Et ce n’est que ce matin, quand je relis ce que je vous écrivais, que je m’aperçois des supercheries de l’amour-propre. Je croyais en me donnant à Thierry, résoudre avec honneur un des vastes problèmes de ce temps. Mais… après tout, qu’ai-je fait d’autre que de l’ajourner à la prochaine génération ?

fin