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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

sième pathétique chapitre ! Le plus important de la vie moderne. Quelque action qu’on entreprenne en ce siècle, c’est aux nerfs qu’on en appelle. Qu’on mène une auto, qu’on traverse à pied la Concorde, qu’on dirige les Finances, qu’on se marie, les nerfs, toujours les nerfs ! Il fallait là vingt pages où coure de l’électricité, où on reçoive la commotion de la foudre… « Lisons bien cela ! » me dis-je. Et je lus : « Dans les villes importantes, le bureau central de police communique avec tous les quartiers par les fils du téléphone. Arrive-t-il un malheur : le centre est averti, et donne des ordres pour parer au mal, qui ainsi peut être atténué ou circonscrit. Chez l’homme, le bureau central de police est le cerveau, siège de l’intelligence, logé dans le crâne. Les fils téléphoniques sont les nerfs qui sillonnent le corps ; ils partent du cerveau ou de la moelle, et courent jusqu’à l’extrémité des membres, qui représentent les bureaux de quartiers. »

J’avais fait un effort pour aller jusqu’au terme de l’explication. Mais quand j’eus vu l’image qui accompagnait le texte, j’eus envie de fermer le livre. « Livre de crétin ! » c’était le mot le plus doux à employer. Pauvre Thierry ! Il avait entendu débiter, répéter tout cela, avec la composition de l’eau de Javel, par Bienvenu-Ignoramus ! Et Ignoramus-Bienvenu lui avait fait con-