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LE PETIT GARÇON ENCHANTÉ

— C’est le comte, dit Thierry : que les Touareg ont tué.

— Comment ? lui dis-je, tu as le comte, et pas la comtesse ?

— La comtesse, dit Thierry avec ferveur, je ne pense qu’à elle : je ne peux pas l’oublier. Le comte, c’est un héros : il mérite qu’on le regarde. Chaque fois qu’il entre un camarade, je lui dis : « Regarde-le, c’est un héros ! »

Sur une chaise il y avait un phonographe :

— C’est à toi ? Encore un cadeau ?

— C’est un gros lot. De la Société des Phonographes Sipson. J’ai fait un concours dans un journal de modes, qui était chez la comtesse. Hélas, idiot, papa, idiot !

Il soupira : « Quelle époque ! » Puis, il reprit :

— Une société de phonographes, rue Royale, demandait combien passeraient de personnes devant son magasin, dans la matinée du 1er juillet. J’avais envie de répondre : « Le marchand est gâteux ! » Mais j’ai eu encore plus envie d’un phonographe ; c’était le prix pour qui donnerait le chiffre le plus près de la vérité ; j’ai dit n’importe quoi : 4798 ! C’était 4800 !

— C’est merveilleux ! m’écriai-je. Plus tard, tu seras devin !

— Si je pouvais ! dit Thierry.

— Et qu’est-ce que c’est, demandai-je,