Personne ne souffla mot de l’Italie, mais ce fut en chœur qu’ils reprirent :
— Votre armée est très forte, n’est-ce pas ?
Je dis tranquillement : « Elle est très forte ! »
— Ha ! Ha ! reprit le beau-frère, il faudrait une alliance de nos États-Majors !
Je ne répondis pas. Je demandai un verre d’eau. Il ajouta :
— Si cette alliance s’établissait… notre Führer pourrait sauver, avec l’Allemagne, l’Europe… et le monde !
Mes yeux le remercièrent, et je restai de nouveau silencieux. Je vérifiais — je l’ai vérifié cent fois — que c’est le silence qui est le meilleur échange entre Allemands et Français.
Je ne leur ai, bien entendu, jamais indiqué que certains d’entre nous redoutaient la guerre ; mais eux, après le repas, n’hésitèrent pas à me dire que le traité franco-soviétique ne pouvait avoir qu’un but : les « agresser » ; et ils crièrent le mot, comme des gens qui reçoivent déjà des bombes et appellent « au secours ! ».
Je m’efforçai de sourire. Je dis que je ne connaissais pas de Français qui eût le désir de se battre avec l’Allemagne.
— Mais la Russie, monsieur, je vous prie, me dit le fabricant de feutres, elle arme ! elle arme !
— Comme vous !…