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RELIGIONS

— Brutedeveau, me dit Cafaret. Non, je ne peux pas.

Un silence suivit.

— Pourquoi ne pouvez-vous pas ? demandai-je de la voix dont j’aurais dit : « Pourquoi ne voulez-vous pas m’aimer ? »

Alors, Cafaret prit un air désinvolte. Il venait d’avoir la sensation que j’étais un enfant, et il méprise les enfants. Il dit avec une moue négligente :

— Nous ne sommes pas fondés sur le principe d’autorité.

Moi qui voulais causer !… Dans un sursaut je me dis : « Voyons, c’est trop bête… ou trop hypocrite. Il ne pourra jamais me dire cela deux fois ! » L’autre n’y tenait pas : pourquoi se répéter ? Il restait immobile et imprenable. J’éclatai :

— Ainsi, c’est votre premier et dernier mot ? Vous ne pouvez rien ? Vous ne voulez rien ?

— Nous ne voulons rien non plus contre vous, dit Cafaret, levant une main prudente, la main de Ponce Pilate.

— Comment ! m’écriai-je. Qui n’est pas avec nous est contre nous !

— Cela… c’est votre conception, murmura le bonhomme, qui se renfonça dans son ombre. Mais nous avons indiqué bien des fois dans les notes que je parle, que le droit de penser, et par conséquent de penser