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CHRONIQUE D’UN TEMPS TROUBLÉ

dialité. Je vais vous demander, mon ami, un grand service. Mais d’abord, je veux vous présenter à Mme Saint-Remy, qui va nous donner une bouteille de Pont-sur-Indre 27. Ce n’est pas un grand cru ; vous verrez qu’il se laisse boire !

Je connus Madame d’abord, le vin ensuite.

Mme Saint-Remy appartient à la race des créatures fécondes, nées pour servir et obéir. À quarante-cinq ans elle est usée par un mari, dont tout le monde dit : « Quel magnifique esprit ! » — par le régiment que lui constituent ses fils, par des idées de famille portées à bout de bras, comme des bannières. Elle représente une bourgeoisie condamnée, le dernier carré de la garde.

Le vin était bon. En le buvant, Saint-Remy m’exposa son affaire. Le petit imprimeur, chargé du premier numéro de B. B. R, a été lâché par son ouvrier typographe, qui, militant de la Ligue des Droits de l’homme, a refusé de composer certain texte, où l’école laïque, mère des citoyens libres, est discutée. Or, la Ligue des Droits de l’homme a une section à Pont-sur-Indre. Le Président est Cafaret, receveur des Postes. Il s’agissait d’aller voir ce fonctionnaire, de le convaincre, et de le prier de donner un ordre au typographe.

— J’irais bien, me dit Saint-Remy, mais il me connaît ; se méfiera, se raidira !